Un peu d’autocritique n’a jamais fait de mal à personne. Si vous lisez des essais cliniques et si vous tentez d’interpréter leurs résultats, les expliquer à des confrères ou les transposer à votre pratique de terrain, il faut veiller à ne pas tomber dans quelques pièges classiques récapitulés sur le blog the Conversation. Vous pouvez être certain d’avoir commis au moins une fois une des 10 boulettes répertoriées dans les notes qui vont suivre : 10 erreurs en 10 semaines sur ActuKiné : en voiture !!!

Boulette n°1 : “Mais bon sang, il ne s’agit que d’UNE SEULE étude!”

Et voilà! Vous venez de tomber sur une étude passionnante qui montre que les castors lapons sont hermaphrodites*. Vous vous empressez naturellement d’appeler vos parents pour leur annoncer la nouvelle. Si votre maman avoue être un peu dépassée (elle n’a fréquenté les scouts que quelques mois dans sa jeunesse), votre père est en revanche un bon spécialiste du monde des castoridés ; il n’a jamais entendu parler d’un tel fait et vous demande de lui apporter des preuves**. Pour ne pas passer pour un ignare, vous faites un tour de la littérature animalière sur votre moteur préféré ODIL (l’Observatoire Danois des Individus Lobotomisés). Stupeur : vous découvrez qu’aucune autre étude n’arrive à la même conclusion : le castor (lapon ou pas) est un animal chiant à mourir qui copule comme tout le monde. Vous fondez en larmes devant votre papa qui a toujours raison (j’espère que tu liras un jour ces lignes H.).

Sans ODIL, sans votre papa et en ne connaissant strictement rien aux castors, vous auriez pu commettre une sacrée boulette en pensant que les castors lapons étaient bel et bien hermaphrodites. Par accident, vous auriez fait ce qu’on nomme une erreur d’exception (« exception fallacy ») . En clair, vous auriez généralisé les résultats d’une étude sur un castor (étude, il est vrai, un peu douteuse…) à l’ensemble des castors lapons voir pire, à tous les castors. Si vous l’aviez fait volontairement, c’était encore plus grave (en science, l’équivalent d’un homicide avec préméditation) : vous auriez fait ce que les anglo-saxons appellent un cherry-picking. Le "picorage" aussi nommé biais de sélection est un vilain défaut qui vous fait chercher, trouver et mettre en avant l’étude qui va dans votre sens en oubliant… la centaine d’autres qui disent l’inverse et sont de plus mieux construites sur le plan méthodologique!

Notez au passage que l’inverse de l’erreur d’exception est nommé erreur écologique (« ecological fallacy ») où vous attribuez à un castor les résultats d’une expérience sur un groupe de castors. Ainsi, si une étude internationale montrait que les castors ont (en moyenne) 4 compagnes dans leur vie, vous auriez tort de penser que le castor que vous venez de croiser au supermarché ne peut pas fêter son 11ème remariage (le troisième ne comptant pas puisqu’il s’était remis avec la même castorette).

Pour les plus méfiants d’entre vous qui ne voient pas comment croiser un castor en faisant ses courses, voici un exemple un peu plus sérieux : les « anti-vaccins » vous citeront fréquemment l’étude de Wakefield (retirée mais encore faut-il le savoir ou au moins faire semblant de ne pas le savoir ) sur le ROR (Rougeole-Oreillons-Rubéole) qui causerait l’autisme … malgré la réponse unanime de la communauté scientifique

COMMANDEMENT N°1 : plusieurs études qui montrent un même résultat valent toujours mieux qu’une seule ! = prière de vous abstenir d’affirmer quoi que ce soit en ne citant que l’étude qui vous arrange alors que 200 autres montrent le contraire…

* Cabussones Y. We have just found a lapp beaver in a strange sexual position. 2015. The Journal of Beaver’s Behaviors. June, 33, p456.457.

**NB : aucun animal n’a été mal traité durant cette note