Chouette étude ce mois-ci dans le Journal of Pain : 64 individus sains ont participé à cet essai. Ils ont été répartis en deux groupes : un groupe évitement (n=32) et un groupe contrôle (n=32). Après une phase de calibration (détermination du seuil douloureux et de la stimulation maximale correspondant au seuil+1°(S+1)), des stimuli nociceptifs (chaleur) étaient appliqués au niveau des avant-bras des participants en même temps qu’ils visualisaient sur un écran le niveau de température utilisé (représentation d’une barre de jauge avec minimum et maximum). Suivant les groupes, ce feedback visuel pouvait être manipulé.

L’expérimentation s’organisait en 4 étapes :
En phase d’apprentissage : chaque participant recevait 2 essais où la stimulation la plus forte atteignait le S+1 avec concordance du feedback visuel (atteinte du maximum) puis deux essais où la stimulation était délivrée au seuil (le feedback visuel n’atteignait pas le maximum)
En phase dite de pleine intensité : chaque participant recevait 3 stimulations maximales avec feedbacks concordant qui stoppaient en atteignant leur maximum
En phase dite intervention : on expliquait aux participants du groupe évitement qu’ils pouvaient éviter le pic de stimulation en pressant un bouton apparaissant à l’écran (instruction : « dès que vous voyez le bouton stop apparaitre, appuyez pour stopper la stimulation chaude ») ; 3 essais faisaient croire aux participants de ce groupe que le maximum de stimulation n’était pas atteint lorsque le bouton stop apparaissait (alors que la stimulation était maximale comme dans le groupe contrôle qui ne disposait pas d’instruction spéciale ni de bouton stop)
En phase test : 3 essais de stimulation maximale étaient réalisés dans chaque groupe mais le groupe évitement avait l’instruction suivante : « le bouton stop ne sera pas présent, vous ne pourrez plus stopper la stimulation cette fois-ci »

Les marqueurs choisis étaient : des auto-évaluations (échelles numériques) de la peur de la douleur (au début de chaque phase), de la valeur menaçante du stimulus calorifique (avant les expériences et après la dernière stimulation), de l’intensité de la douleur et du caractère désagréable de celle-ci (avant et après chaque phase) ; une réponse réflexe de l’orbiculaire (EMG) (avant et après chaque phase) ; des questionnaires (State-Trait Anxiety Inventory (STAI), Fear of Pain Questionnaire (FPQ-III NL) et Positive Affectivity and Negative Affectivity Scale (PANAS)). Enfin, une question adressée au groupe évitement concernait le sentiment de contrôle du stimulus calorifique (échelle numérique). Les groupes étaient comparables sur le plan de l’intensité de la douleur perçue pour S+1° et sur la totalité des questionnaires évalués.

Les auto-évaluations de la peur de la douleur étaient plus fortes dans le groupe évitement pour toutes les phases de l’expérience. Ces scores évoluaient différemment entre les groupes tout au long de l’expérience : les participants du groupe évitement reportaient plus de peur d’avoir mal après avoir reçu les instructions de possibilité d’évitement (phase intervention et phase test). Pour les auteurs, ce fait était surprenant puisque la peur augmentait dès l’instruction sans que les sujets aient encore adopté un comportement d’évitement réel (il est plutôt surprenant que Vlaeyen et ses collaborateurs ne mentionnent pas dans la section discussion les travaux portant sur la théorie des cadres relationnels pour expliquer de tels résultats (ils se contentent d’évoquer le rôle de l’attention)). La réponse psychophysiologique (EMG) ne corroborait pas les auto-évaluations. Le caractère menaçant du stimulus baissait dans le groupe contrôle mais pas dans le groupe évitement. L’intensité de la douleur perçue comme son caractère désagréable étaient logiquement ressentis comme plus faibles quand les participants du groupe évitement pouvaient éviter (phase d’intervention) et plus fortes quand ils ne pouvaient pas (phase test).

Cette étude confirme des travaux précédents (notamment sur l’anxiété) étudiant la relation bidirectionnelle entre peur et évitement. Les auteurs parlent de cercle vicieux où la recherche de comportements de sécurité (« safety-seeking behaviours ») augmente la perception du caractère menaçant du stimulus qui augmente à son tour la recherche de comportements de sécurité.

Références

van Vliet, C. M., Meulders, A., Vancleef, L. M., & Vlaeyen, J. W. (2018). The opportunity to avoid pain may paradoxically increase fear. The Journal of Pain.