Biais de perception en situation douloureuse
Il a pu être démontré que des sujets présentant des douleurs chroniques de genou percevaient la distance requise pour marcher en direction d’une cible plus grande que des sujets sains (1).

Une nouvelle étude vient tester cette hypothèse de biais perceptif. 18 volontaires n’ayant aucune douleur (exclusion si il y avait une douleur présente à l’examen ou si il existait un passif douloureux ayant duré plus de 3 mois) ont participé à cet essai. Le stimulus nociceptif était de type thermique (chaleur croissante) appliqué sur le dos de la main non dominante. Un interrupteur permettant aux sujets de faire chuter la température était placé à différentes distances du coté de leur main dominante. Ils devaient verbalement estimer la distance entre cet interrupteur et leur main non dominante. Quatre types de conditions étaient testées : sans douleur et sans appui sur l’interrupteur, sans douleur et avec appui, avec douleur et sans appui et avec douleur avec appui.

Lorsque les participants avaient mal et qu’ils devaient estimer la distance à l’interrupteur, ils jugeaient que celui-ci se trouvait plus proche d’eux que lorsqu’ils ne ressentaient pas de douleur. Il existait une interaction importante entre douleur et atteinte de l’interrupteur (F(1.181)=4.8, P=0,03). C’est lorsqu’un sujet devait estimer la distance à l’interrupteur et qu’il devait le toucher que celle-ci était perçue comme la plus courte par rapport aux trois autres conditions (moyenne 92.6%, IC95% [89.7%-95.6%].

Pourquoi les sujets percevaient-ils cette distance comme étant plus courte ? L’hypothèse émise par les auteurs est que cette perception pourrait optimiser la protection de l’individu. Ce biais perceptif encouragerait un comportement d’interaction avec l’interrupteur. On retrouve donc une notion concordante avec les résultats de l’essai de Witt & al. dans lequel un stimulus était associé avec la naissance d’une douleur et où les sujets percevaient ce stimulus comme étant plus éloigné qu’en réalité.

On pourrait donc imaginer qu’un individu avec des douleurs persistantes puisse percevoir son environnement de façon biaisée : ainsi, des marches d’escaliers pourraient paraître plus hautes à un gonalgique car l’activité de monter/descendre serait associée à une exacerbation de ses douleurs. Dans ce cas, la perception serait créée pour décourager les activités qui causeraient la douleur par volonté de préserver l’organisme et de le ramener à un état non douloureux.

Références

(1) Witt JK, Linkenauger SA, Bakdash JZ, Augustyn JS, Cook A, Proffitt DR. The long road of pain: chronic pain increases perceived distance. Exp Brain Res. 2009 Jan;192(1):145-8.
Article disponible ici

(2) Tabor A, Catley MJ, Gandevia S, Thacker MA, Lorimer Moseley G. Perceptual bias in pain: A switch looks closer when it will relieve pain than when it won’t. PAIN® (2013), htp://dx.doi.org/10.1016/j.pain.2013.05.024.
Article disponible ici