JOUR 4 : le dry needling (DN) est-il si différent de l’acupuncture ?

C’est un point qui va faire jaser deux types de thérapeutes : les formés/formateurs en DN et les formés/formateurs en acupuncture. Si le DN utilise bien des aiguilles d’acupuncture, le raisonnement clinique qu’il utilise ne repose pas sur le principe des méridiens énergétiques. En DN, l’idée du thérapeute est de localiser un point hypersensible reproduisant la douleur du patient et de l’infiltrer à sec. Si vous avez lu attentivement la note précédente, vous savez que le DN repose principalement sur la recherche des fameux triggers points myofasciaux (TrPs) dont la compréhension pathophysiologique reste encore une énigme…

En revanche, on en connait maintenant un rayon sur l’acupuncture. L’acupuncture se définit comme la stimulation de points spécifiques (situés sur des méridiens dans lesquels circulerait “la force vitale ou l’énergie appelée Qi”) par insertion de fines aiguilles. D’un point de vue scientifique, il est aujourd’hui INCONTESTABLE qu’il s’agit d’un pur placebo

En résumant, la littérature abondante sur l’acupuncture montre que :
– Les résultats sont les mêmes quel que soit l’endroit où vous plantez votre aiguille (méridiens = pipo), quelle que soit sa profondeur, si vous perforez réellement la peau du patient ou si vous lui faites croire (l’utilisation d’une aiguille est aussi efficace que celle d’un coton-tige)
– Des études de faible échantillon présentant de forts risques de biais retrouvent un effet bénéfique alors que de grandes études avec de faibles risques de biais ne retrouvent aucun avantage de la technique par rapport à un placebo

Mais enfin, puisqu’on vous dit que le DN ce n’est pas de l’acupuncture !!!

Ben oui, comme l’acupuncture est un pur placebo, les “dry needlers” affirment que ce qu’ils font n’en est pas ! Les acupuncteurs quant à eux affirment plutôt que… le DN est une forme d’acupuncture (sans doute parce que de nouvelles abeilles viennent butiner leurs ruches ?) ! Un vrai débat s’est ouvert à ce sujet : il existe une littérature controversée qui a cherché à comparer les zones de localisations des TrPs et des points d’acupuncture (1, 2, 3, 4) ; débrouillez-vous avec ces essais car leur qualité est médiocre et qu’à force de piquer de la peau, tout fini sans doute par un peu se recouper ! Enfin, certains professionnels parlent même “d’acupuncture-DN” comme Peter Baldry qui distingue le DN superficiel du DN profond (5, 6).

Plaisanterie mise à part, il est bien difficile de résister à l’envie de projeter les résultats de la littérature scientifique concernant l’acupuncture au dry needling :

– Quand les défenseurs du DN affirment que leur technique est différente de par la profondeur de piqure, on peut raisonnablement se poser des questions en parcourant les travaux sur l’acupuncture où la profondeur de piqure n’importe pas (7). Le même raisonnement s’applique à d’autres aspects techniques du DN.

– Quand les défenseurs du DN affirment que leur technique est différente de par le raisonnement clinique (protocole palpatoire, recherche du twitch, etc), on peut raisonnablement se poser la question de savoir comment un processus de raisonnement différent mais qui débouche sur une manœuvre dont l’aspect technique est similaire à l’acupuncture pourrait provoquer des effets neurophysiologiques différents/spécifiques. On a un peu l’impression de revivre le raisonnement clinique autour de la manipulation vertébrale lombaire (le bon vieux “lumbar roll”) où des processus de raisonnement et de techniques diversifiés (des facteurs comme l’angle, le niveau vertébral, la vitesse, etc. étaient considérés comme primordiaux) aboutissaient finalement à la même gestuelle et au même résultat. Aujourd’hui, on sait que l’aspect technique de la manipulation vertébrale n’est pas aussi important pour le résultat (bien qu’il puisse l’être pour assurer la sécurité du patient).

Pour résumé?

Citons Ridgeway tant sa réflexion semble pertinente :
“If needle insertion, needle location, needle depth, or even using a toothpick do not seem to affect outcomes in acupuncture, I’m perplexed by those who propose dry needling is somehow, in some way profoundly physiologically different. And furthermore, how anyone can subsequently claim dry needling location, depth of penetration, and other specific factors relating to application technique can robustly impart some important physiologic effect or meaningfully impact on clinical outcomes”

Attention car cette réflexion, bien que logique, n’est qu’une réflexion. Elle ne peut pas constituer à elle seule une preuve. En revanche, elle soulève des interrogations qu’il faudra bien lever par de futurs essais contrôlés randomisés de haute qualité. Et de ce côté-là, pour le moment…

A suivre…

Info de dernière minute : bye bye l’acupuncture pour les patients de la NHS

Références

(1) Dorsher PT. Can classical acupuncture points and trigger points be compared in the treatment of pain disorders? Birch’s analysis revisited. J Altern Complement Med. 2008 May;14(4):353-9.

(2) Birch S. Trigger point–acupuncture point correlations revisited. J Altern Complement Med. 2003 Feb;9(1):91-103.

(3) Melzack R, Stillwell DM, Fox EJ. Trigger points and acupuncture points for pain: correlations and implications. Pain. 1977 Feb;3(1):3-23.

(4) Zhou K, Ma Y, Brogan MS. Dry needling versus acupuncture: the ongoing debate. Acupunct Med. 2015 Dec;33(6):485-90.

(5) Baldry P. Superficial versus deep dry needling. Acupunct Med. 2002 Aug;20(2-3):78-81. Review.

(6) Baldry P. Management of myofascial trigger point pain. Acupunct Med. 2002 Mar;20(1):2-10. Review.

(7) MacPherson H, Green G, Nevado A, Lythgoe MF, Lewith G, Devlin R, Haselfoot R, Asghar AU. Brain imaging of acupuncture: comparing superficial with deep needling. Neurosci Lett. 2008 Mar 21;434(1):144-9.