Expliquer la douleur (6)
« Moi je suis comme Saint Thomas, je ne crois que ce que je vois ! ».
Vous avez déjà entendu cela quelque part ?

Cette expression trouve son origine dans la bible : Thomas, disciple de Jésus, ne croyait pas en sa résurrection ; alors il demanda à voir et à toucher ses stigmates. Voici ce que répondit Jésus quand Saint Thomas se rendit compte de la véracité des propos du Christ : “Mon Seigneur et mon Dieu.” Jésus lui dit: “Parce que tu m’as vu, tu as cru; bienheureux ceux qui, sans avoir vu, ont cru.” Jean (20, 24-29)

Dans cette expression, l’association entre perception et croyance est très forte : Saint Thomas voit, donc Saint Thomas croit. En paraphrasant, il ne croit pas ce que les gens racontent avant d’en avoir eu la preuve sous les yeux (raisonnement scientifique avant-gardiste ?). Mais qu’est-ce qu’une preuve ? Qu’est-ce que la perception ? Et qu’est-ce que la réalité ?

Abandonnons ces questionnements philosophiques quelques instants et venons-en à notre douloureux problème. En éducation thérapeutique, nous devons confronter les connaissances actuelles en biologie à la perception de la douleur du patient. Il est très difficile pour lui de comprendre ce qu’est une perception car il a toujours « l’intime conviction de sa sensation ». Nous entrons alors dans une lutte géographique du « d’où vient la douleur ». Pour bon nombre de patients, les sens ne trompent pas : si votre sujet aperçoit un jour le monstre du Loch Ness, il saura avec certitude qu’il existe !

Il y a malheureusement une explication à tout joli tour de magie… Vos yeux, vos oreilles, votre palais (…) et vos mains vous jouent des tours parce que votre cerveau traite activement les informations en provenance de vos organes des sens avant de vous faire percevoir. Vous trouverez un nombre incroyable d’illusions d’optiques (expérience d’Adelson, tâche aveugle, trompe-l’oeil, etc.) sur internet. Pensez aussi aux illusions sonores et sensitives : vous n’avez jamais ressenti votre téléphone portable vibrer dans la poche alors qu’il était éteint?

Entrons un instant dans la peau de Saint Thomas pour (re)découvrir à quel point ce que vous percevez est une construction cérébrale complexe : n’oubliez jamais que votre cerveau joue le rôle de « filtre actif » ou « d’interprète » si vous préférez, entre votre environnement et la perception que vous avez de cet environnement.

Fixer le point noir au centre de l’image puis avancer et reculer doucement votre tête. Les cercles tournent ! Enfin… c’est votre perception, c’est à dire ce que votre cerveau vous fait ressentir… car en réalité les cercles ne bougent pas d’un millimètre.

Quelques Inspirations :
Moseley GL. Painful Yarns. Metaphors and Stories to Help Understand the Biology of Pain. 2007. Dancing Giraffe Press, Australia. (inspiré du chapitre "Seeing is believing")
http://www.michaelbach.de/ot/
http://www.illusions-optique.fr/point-aveugle.htmli[

Expliquer la douleur (6)

Alors, toujours d’accord avec Saint Thomas ?
A force de croire ce que vous voyez, faîtes bien attention de ne plus voir que ce que vous croyez…

Que retenir en terme didactique ?

L’utilisation des illusions d’optique en éducation à la biologie de la douleur ne doit pas pousser le patient à croire que douleur n’existe pas ou qu’elle est une erreur commise par le cerveau. Il est donc préférable d’employer le terme « illusion » avec tact. Un des objectifs est de démontrer au patient que son cerveau travaille en permanence à la construction de ce qu’il ressent et qu’il n’est donc pas un simple organe récepteur.