Je vous fais part ici d’un article qui vous invitera sûrement à vérifier encore un peu plus les sources des études que vous parcourez dans vos quêtes de savoirs contemporains, véritable moteur de l’évolution de notre profession.
En effet, la lecture d’un essai contrôlé randomisé, d’une revue de littérature ou même d’une méta analyse nécessite quelques notions d’analyse critique qui vous permettent de juger de la crédibilité de ce que vous êtes en train de lire. Lorsque vous cherchez à connaitre l’efficacité d’une technique sur un type de patient atteint d’une certaine pathologie, vous pouvez vous lancer dans la fastidieuse tâche de rechercher les ECR sur le sujet et de les trier et les analyser pour enfin vous décider à utiliser ou non la dite technique dans votre pratique en fonction de ce que vous aurez lu (vous savez, c’est le pilier « données actuelles de la science » de l’evidence based practice). Ou alors, vous avez de la chance et vous trouvez une revue de littérature écrite par de bonnes âmes qui auront fait tout le boulot à votre place ! (houra) Et c’est vrai que ça fait gagner beaucoup de temps mais là aussi, il faut creuser un peu (comme quand on doit lire les petites lignes d’un contrat avant de le signer). Certaines revues de littérature comportent une analyse statistique des résultats des ECR donnant plus de précision aux effets observés dans les résultats finaux.
Bien souvent les informations utiles au lecteur (méthode, design, résultats et conclusion) sont contenues dans le titre et le résumé ,qui sont souvent les seules parties de l’article auxquelles vous avez accès sauf si vous êtes universitaire, ou si vous êtes assez riches pour vous payer tous les articles que vous recherchez, ou encore si vous connaissez la dernière adresse URL active d’un site pirate dont je tairai le nom. Ainsi sur ces quelques lignes, vous trouverez rapidement les réponses aux questions qui ont suscitées votre recherche, mais il faut savoir quel degré de confiance accorder à ces résultats et c’est là que l’analyse critique et l’accès à l’intégralité de l’article sont indispensables.

L’échelle de PEDro (https://www.pedro.org.au/french/downloads/pedro-scale/)://www.pedro.org.au/french/downloads/pedro-scale/) est un bon outil pour évaluer la rigueur de la méthodologie scientifique d’une étude et ainsi juger si les résultats obtenus sont liés au hasard (lorsque les risques de biais sont élevés) ou à l’intervention en question (lorsque les risques de biais sont faibles). Elle s’échelonne de 0 à 10, les études les plus rigoureuses ayant un score de 10.
Les auteurs de revue de littérature utilisent souvent l’échelle de PEDro pour évaluer les articles qu’ils ont sélectionnés et les scores attribués permettent de donner du poids (ou pas) aux résultats trouvés. Celles comportant une méta analyse confèrent un niveau de preuve plus élevé aux résultats observés.
Dans le cadre de la préparation d’une intervention sur la récupération musculaire pour une formation, j’ai remis le nez dans les bases de données et je suis tombé sur une revue de littérature traitant de l’efficacité de l’automassage via le foam roll ou le roller massager sur les courbatures, en anglais delayed onset muscle soreness (DOMS) à retrouver ici :
https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4637917/
Il s’agit d’une revue systématique sans méta analyse. Dans le tableau récapitulatif des études sélectionnées par les auteurs, curieusement, que du bon, les 14 études retenues scorent toutes au-dessus de 6/10 à l’échelle PEDro, et il y en a même une qui pointe à 10 ! Il doit y avoir un loup quelque part.
Je suis donc allé fouiner sur PEDro pour voir si les articles sélectionnés avaient fait l’objet d’une évaluation par l’association australienne. Bingo ! 7 articles sur les 14 en bénéficient pour le moment, et les différences de score sont parfois importantes :

 Etude des auteurs Healey et al. Evaluée à 6/10 par les auteurs et à 3/10 par PEDro :
http://search.pedro.org.au/search-results/record-detail/38232
 Etude des auteurs Jay et al. Evaluée à 8/10 par les auteurs et à 4/10 par PEDro :
http://search.pedro.org.au/search-results/record-detail/45686
 Etude des auteurs Mohr et al. Evaluée à 8/10 par les auteurs et à 3/10 par PEDro :
http://search.pedro.org.au/search-results/record-detail/46488
 Etude des auteurs Pearcey et al. Evaluée à 7/10 par les auteurs et à 4/10 par PEDro :
http://search.pedro.org.au/search-results/record-detail/49697
 Etude des auteurs Mikesky et al. Evaluée à 10/10 par les auteurs et à 4/10 par PEDro :
http://search.pedro.org.au/search-results/record-detail/4360
 Etude des auteurs Grieve et al. Evaluée à 8/10 par les auteurs et à 4/10 par PEDro :
http://search.pedro.org.au/search-results/record-detail/43292
 Etude des auteurs Macdonald et al. Evaluée à 7/10 par les auteurs et à 5/10 par PEDro :
http://search.pedro.org.au/search-results/record-detail/38309

Sur la moitié des articles sélectionnés, on observe une évaluation à la hausse d’au moins deux points par rapport au score référencé sur le site de l’association PEDro. Sont-ce les auteurs qui ont eu la main lourde ou PEDro qui l’a eue trop légère ? Dans tous les cas la crédibilité que l’on accorde à l’étude est mise en doute.

Les auteurs concluent que l’utilisation du foam roller peut être bénéfique pour la récupération musculaire et les amplitudes articulaires.
Avec des différences pareilles, on est en droit de se demander s’ils n’ont pas additionné les scores obtenus par chacun des deux lecteurs missionnés pour la cause. L’étude, bien qu’intéressante et aguicheuse dans son titre et son résumé (14 études réunissant un nombre conséquent de sujets), se révèle beaucoup moins sérieuse une fois décortiquée.
Je vous invite donc à ouvrir l’œil sur les revues de littérature qui proposent ce genre de sélection d’articles.
Maintenant, il n’y a plus qu’à contacter les auteurs pour leur demander des explications et je sens que je vais mettre Elise Lucet sur le coup !