CONTEXTE : bien que la plupart des modèles explicatifs des effets de la thérapie manuelle (TM) sur l’intensité et la sensibilité à la douleur s’accordent à reconnaitre l’implication de mécanismes corticaux, le fonctionnement précis de ces techniques sur les centres cérébraux supérieurs est à ce jour inconnu.

OBJECTIF : cet essai a étudié les changements dans la connectivité fonctionnelle* (FC) entre les régions cérébrales qui traitent et modulent la douleur (implication dans le Pain Processing Network PPN) avant et après TM.

METHODE : des sujets sains (sans épisode actuel de lombalgie) ont effectué un protocole d’exercices visant à provoquer des douleurs musculaires lombaires. Ils ont ensuite été répartis aléatoirement entre 3 groupes de TM : un groupe recevant une manipulation HVLA (grade V), un groupe recevant des mobilisations spinales accessoires PA (grade III) pendant 5 min et un groupe de toucher contrôle où on appliquait une pression lombaire douce pendant 5 min. Avant chaque intervention, on donnait aux patients les mêmes instructions vis-à-vis des techniques réalisées. Les temps de contact personnel et de réalisation de la technique étaient équivalents entre les interventions. Une IRMf était réalisée avant et après l’intervention de TM pour mesurer les FC possibles entre chaque région cérébrale choisie (ROI-Region of Interest). Les mesures secondaires concernaient l’intensité de la douleur (échelle numérique 0-100) et la sensibilité à la douleur (PPT-Pressure Pain Threshold localement et à distance).

RESULTATS : 24 sujets sains ont rempli les critères d’inclusion. Des changements dans la FC ont été retrouvés : certains étaient communs aux trois types de TM alors que d’autres étaient plus spécifiques (reporter vous à l’article en page 6 table 2 pour les détails des aires concernées). L’intensité de la douleur a diminué dans les trois groupes sans différence statistiquement significative. Il n’y a pas eu de changement concernant les PPT.

CONCLUSION : cette étude a identifié des régions cérébrales du PPN où la FC a changé immédiatement après 3 types distincts de thérapie manuelle. Les changements neurophysiologiques post-TM pourraient constituer un mécanisme sous-jacent au soulagement.

COMMENTAIRES : il faut vraiment être prudent en parcourant cette étude. Elle comporte de nombreux biais qui limitent fortement les conclusions à tirer :
– Sans groupe témoin (groupe sans traitement) il est difficile de connaitre l’impact des techniques de TM sur la douleur ;
– Le modèle de douleur provoquée limite fortement l’extrapolation à des populations douloureuses chroniques ;
– Il peut exister une grande variabilité entre les thérapeutes dans la réalisation des techniques ;
– Le choix des ROIs est restrictif (mais sans doute nécessaire pour gérer les données) ;
– La taille de l’échantillon est limitée pour détecter des changements entre les techniques et dans les PPT ;
– Etc.
Il faut donc s’en tenir à la conclusion très prudente des auteurs (voir ci-dessus) et scruter de futures publications sur un sujet aussi moderne que passionnant.

*la FC se définit comme la « corrélation temporelle existant entre deux évènements neurophysiologiques spatialement isolés » Friston et al., 2011

Références

Gay CW, Robinson ME, George SZ, Perlstein WM, Bishop MD. Immediate changes after manual therapy in resting-state functional connectivity as measured by functional magnetic resonance imaging in participants with induced low back pain. J Manipulative Physiol Ther. 2014 Nov-Dec;37(9):614-27. doi: 10.1016/j.jmpt.2014.09.001. Epub 2014 Oct 3.
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