La médecine pré-Hippocratique :
Elle est principalement influencée par la guerre et la religion. La médecine répond aux besoins de soigner les blessés des campagnes d’expansion de l’empire Grec et est confiée aux prêtres. A cette époque, les explications des douleurs référent surtout à la mythologie où elles sont globalement interprétées comme « le châtiment d’un Dieu irrité qu’il faudra implorer pour obtenir la guérison ».

Hippocrate (de Cos) (-460/-370)
Il va révolutionner la médecine en rejetant les superstitions et les croyances qui attribuent la cause des maladies à des forces surnaturelles ou divines. La maladie devient un processus naturel : le médecin doit en établir les causes, poser un diagnostic et la traiter. L’observation et l’écoute du malade sont la base du raisonnement clinique. Outre son Serment (dont l’origine est actuellement remise en doute), on lui doit le célèbre « primum non nocere ».

Vers une première définition de la douleur ?
Hippocrate est un des premiers à s’interroger sur les causes de la maladie (lien avec un déséquilibre de facteurs comme le climat, le régime alimentaire ou les humeurs de l’organisme). Il considère que la douleur a pour seule fonction d’être un signe important de la maladie (diagnostic) et de son pronostic. La douleur a donc une spécificité clinique : elle est un signe, un symptôme naturel à évaluer et à respecter.
Si la douleur est importante de par son lien avec la maladie, le traitement antalgique semble, en revanche, passer au second plan. La douleur est considérée comme le « chien de garde de notre santé » qui « aboie », pour alerter l’organisme. La douleur est chronique quand le « chien de garde continue à aboyer ». Pourquoi alors, faire taire la douleur quand elle guide le soignant ? Si Hippocrate semble bien placer le soulagement des souffrances au cœur du rôle médical (on lui attribue sans doute à tort la phrase : « La médecine c’est guérir parfois, soulager souvent, consoler toujours. »), ce soulagement découle avant tout d’une bonne gestion de la maladie.
En termes de définition, Hippocrate considère la douleur comme une émotion qui vient du cœur (la « passion de l’âme » située dans le cœur pour Aristote).

L’après Hippocrate : Galien de Pergame (131/201) :
Son œuvre est immense et s’appuie entre autre sur les premiers travaux de dissection (des macaques et peut être des gladiateurs bien que les dissections humaines soient interdites à l’époque).
Elle marque un tournant dans l’étude de la douleur. Galien est le premier à la définir comme une sensation (exacerbée) dont le siège est le cerveau (centralisation et lien avec le SN). Il considère la douleur comme une atteinte du tact. Son esprit novateur met en avant l’idée que la douleur, comme la sensation, requiert la perception, c’est-à-dire la conscience.
Galien met aussi en place une classification des douleurs : la douleur est soit pulsative, soit gravative (sensation de lourdeur, pesanteur), soit tensive, soit pongitive (sensation de pénétration d’un objet dur et pointu).
Il étaye également les travaux d’Hippocrate : la douleur a une fonction sémiologique et indique l’endroit de la maladie. Ainsi, chaque organe malade provoquera une douleur spécifique.

Toute cette période est empreinte du stoïcisme qui défend l’idée de la régulation de l’intensité de la douleur par le patient. La douleur est alors un "mal" si celui qui l’éprouve la juge ainsi. Cette implication (pour ne pas dire cette culpabilisation) du malade est retrouvée chez Cicéron : "Qu’y a-t-il qui vaille mieux pour éloigner la douleur que de comprendre qu’elle ne sert à rien et qu’il est vain de l’accueillir" et Sénèque "Douleur tu n’es qu’un mot", "Douleur, tu n’es pas un mal" ou encore "Nous accroissons notre douleur, nous l’anticipons, nous l’imaginons". Si la charge de réguler la douleur est laissée au malade, le médecin a quant à lui la tâche d’ignorer son expression (Celse : "Le chirurgien doit rester sourd aux cris de son patient").

A suivre …

Références

Rey, R. (2000). Histoire de la douleur. Découverte.

Le Breton, D. (2006). Anthropologie de la douleur (Vol. 12). Editions Métailié.

Bourke, J. (2014). The story of pain: from prayer to painkillers. Oxford University Press.

En savoir plus sur Hippocrate

Eléments pour une histoire des conceptions de la douleur ; Première partie : de la Grèce au XIIIè siècle ; Claire Ribau et Nathalie Duchange. Novembre 2003

Boudon-Millot, V. (2012). Galien de Pergame: un médecin grec à Rome. Les Belles Lettres.

Lire et penser Galien