Il est aujourd’hui admis que des affections chroniques puissent modifier des représentations corticales (par exemple, le schéma corporel) et constituer un facteur de persistance et/ou de récurrence de lombalgie. La perturbation de l’habileté à réaliser des jugements de latéralité (reconnaitre visuellement un membre droit d’un membre gauche ou encore le sens de rotation d’un tronc) est considérée comme un marqueur de cette réorganisation. Cette habileté fait partie de ce que l’on nomme Imagerie Motrice Implicite. Pour l’évaluer, les Australiens du Neuro-Orthopaedic Institute mis au point un système informatique nommé "Recognise".

Jusqu’ici, ce sont les membres qui ont été les plus étudiés dans la littérature. Deux études ont concerné le tronc et ont montré une baisse de précision des réponses (le pourcentage de succès pour identifier correctement un tronc tourné ou incliné vers la droite/gauche) chez les lombalgiques par rapport à une population saine (2, 3). Deux études ont également investigué la fiabilité du système Recognise utilisé sous supervision clinique (2, 4).

L’étude suédoise s’est donc fixée pour objectifs, d’une part, de comparer la capacité de jugement de latéralité du tronc et du pied chez des patients lombalgiques (avec et sans douleur dans le membre inférieur) et chez des sujets sains, et, d’autre part, d’évaluer la fiabilité test-retest (stabilité) de l’application Recognise utilisée sous supervision clinique et à domicile.

30 lombalgiques (avec ou sans irradiation dans un membre inférieur et souffrant depuis au moins 6 semaines) et 30 sujets sains ont participé à cette étude. Tous ont réalisé à plusieurs reprises des exercices de jugement de latéralité pour lesquels on a mesuré la précision et le temps de réponse.

Aucune différence statistiquement significative n’a pu être retrouvée entre individus sains et lombalgiques dans les temps de réponse et la précision et cela quelle que soit la zone corporelle à identifier. Ainsi, aucune association significative n’a été retrouvée entre :
– Le score d’ODI et la précision au test visant le tronc ;
– Le score d’ODI et le temps de réponse au test visant le tronc ;
– L’intensité de la douleur et le temps de réponse au test visant le tronc ;
– L’intensité de la douleur dans le membre inférieur et la précision ou le temps de réponse au test visant le pied.
La seule association (négative) existante concernait l’intensité de la douleur et la précision au test visant le tronc (R2=0.238, p=0.019, controlled for age).

Concernant la fiabilité test-retest (sous supervision et à la maison), les ICC s’échelonnaient entre 0.51-0.91 mais avec des intervalles de confiance très (trop) larges. Si la précision n’était pas affectée par la répétition des tests, le temps de réponse s’améliorait systématiquement à chaque essai (entre 1 et 2 et entre 2 et 3) pour les tests visant pied et tronc, traduisant un effet d’apprentissage. Les chercheurs et cliniciens qui utilisent Recognise comme outil de mesure devront en tenir compte.

Pour conclure, les prochaines études sur le sujet devront sous-grouper leur population de lombalgique pour savoir si la réorganisation corticale (et donc l’imagerie motrice implicite) est associée plus fortement à un mécanisme douloureux dominant spécifique.

Références

(1) Linder M, Michaelson P, Röijezon U, Laterality judgments in people with low back pain-a cross-sectional observational and test-retest reliability study, manual Therapy (2015).

(2) Bray H, Moseley GL. Disrupted working body schema of the trunk in people with back pain. Br J Sports Med. 2011;45(3):168-73.

(3) Bowering KJ, Butler DS, Fulton IJ, Moseley GL. Motor imagery in people with a history of back pain, current back pain, both, or neither. Clin J Pain. 2014;30(12):1070-5.

(4) Dey A, Barnsley N, Mohan R, McCormick M, McAuley JH, Moseley GL. Are children who play a sport or a musical instrument better at motor imagery than children who do not? Br J Sports Med. 2012;46(13):923-6.