Certains auteurs avancent hypothétiquement qu’une incongruence (« mismatch ») entre commande motrice et feedbacks sensoriels associés à cette commande pourraient contribuer à certains états de douleur chronique. Autrement dit, quand le cerveau prépare un mouvement, il anticipe la réponse sensorielle qui va en découler ; si il détecte une divergence entre le feedback prévu et celui qui survient en réalité, une douleur pourrait émerger pour prévenir cette erreur de calcul (1). Beaucoup d’études ont déjà montré qu’il existait des perturbations de sensations en lien avec ces incongruences mais les effets sur la douleur ont beaucoup moins été étudiés.

L’objectif de cette étude (2) était donc d’étudier l’impact possible de cette incongruence sensorimotrice sur la douleur en produisant artificiellement une incongruence à l’aide d’un miroir (protocole dérivé de la thérapie miroir).

35 sujets sains ont participé à cette étude. Le design retenu était une étude en cross-over où chaque sujet réalisait une phase de mouvement avec congruence sensorimotrice et une autre avec incongruence (des flexions/extensions de l’épaule en conditions synchrones et asynchrones) dans deux conditions, l’une avec un miroir et l’autre sans (condition contrôle). A la suite de chacune de ces phases, on réalisait une étude des seuils de pression douloureux (PPT pour Pression Pain Thresholds) et on évaluait l’intensité de la douleur perçue par le sujet (NRS pour Numerical Rating Scale 0-10).

Il n’existait aucune différence statistiquement significative entre ces conditions ni en terme de PPT ni en terme d’intensité de la douleur perçue. Cette étude de bonne qualité méthodologique vient confirmer les précédentes (3, 4). Si on peut commencer à infirmer l’hypothèse d’un mismatch inducteur de douleur chez le sujet sain, il reste à déterminer avec certitudes s’il en est de même chez les sujets douloureux. Pour le moment il est encore difficile de se prononcer. L’enjeu est important pour tenter de comprendre les mécanismes expliquant les résultats obtenus en thérapie miroir.

Références

(1) McCabe CS, Blake DR. Evidence for a mismatch between the brain’s movement control system and sensory system as an explanation for some pain-related disorders. Curr Pain Headache Rep. 2007 Apr;11(2):104-8.
Abstract ici

(2) Wand BM, Szpak L, George PJ, Bulsara MK, O’Connell NE, Moseley GL. Moving in an environment of induced sensorimotor incongruence does not influence pain sensitivity in healthy volunteers: a randomised within-subject experiment. PLoS One. 2014 Apr 7;9(4):e93701. doi: 10.1371/journal.pone.0093701. eCollection 2014.
En accès libre ici

(3) Foell J, Bekrater-Bodmann R, McCabe CS, Flor H. Sensorimotor incongruence and body perception: an experimental investigation. Front Hum Neurosci. 2013 Jun 24;7:310. doi: 10.3389/fnhum.2013.00310. eCollection 2013.
Abstract ici

(4) Mohan R, Jensen KB, Petkova VI, Dey A, Barnsley N, Ingvar M, McAuley JH, Moseley GL, Ehrsson HH. No pain relief with the rubber hand illusion. PLoS One. 2012;7(12):e52400. doi: 10.1371/journal.pone.0052400. Epub 2012 Dec 20.
En accès libre ici