Introduction

Les complications respiratoires contribuent à la mortalité et à la morbidité chez les patients présentant une Sclérose en Plaques (SEP) [1].

Cette étude réalisée par une équipe belge avait 2 objectifs :
1) Evaluer la contribution de la faiblesse des muscles respiratoires à l’atteinte de la fonction pulmonaire et de l’état de santé
2) Evaluer les effets de l’entrainement des muscles expiratoires sur la fonction respiratoire, la capacité vitale forcée (CVF) et l’efficacité de la toux

Méthode

Population : Patients SEP en fauteuil roulant ou au lit, cliniquement stables depuis au moins 4 semaines.

Pour la question n°2 concernant l’efficacité de l’entrainement des muscles expiratoires, la méthode était un essai contrôlé randomisé (ECR).
Intervention : Entrainement avec un Threshold PEP 3 x 15 expirations, 2 x / jour pendant 3 mois à 60 % de la PEmax.
Le groupe contrôle réalisait des exercices respiratoires en visant des inspirations maximales.

Critères de jugement :
CVF évaluée à l’aide d’un spiromètre,
Force des muscles respiratoires : PImax, PEmax,
– Efficacité de la toux évaluée par le "Pulmonary Index" (traduction en pièce jointe). Le score maximal est de 11 signifiant une atteinte sévère.

Les évaluations ont été réalisées à la fin des 3 mois d’entrainement, puis 3 mois après la fin de celui-ci.

Résultats

Question n°1

28 patients SEP inclus, avec EDSS médian de 8,5 (entre 6.5 et 9.5).
Les évaluations mettent en évidence :

  • Diminution de la CVF : 43 ± 26 % de la valeur théorique
  • Pulmonary Index Médian à 10/11
  • Diminution de la PEmax : 18 ± 8 % de la valeur théorique
  • Diminution de la PImax : 27 ± 11 % de la valeur théorique
  • Très faible atteinte de la force isométrique des fléchisseurs du cou : 93 ± 26 % de la valeur théorique

Attention, 7 patients n’ont pu réaliser l’évaluation des muscles respiratoires car ils avaient notamment une CVF trop faible.

Les corrélations sont détaillées sur les graphiques ci-contre.

Question n°2

21 patients inclus, EDSS entre 7 et 9.5.

Pas de différence inter-groupe concernant la PImax et la PEmax à 3 et à 6 mois.
A noter une amélioration de 30 % de la PEmax dans le groupe expérimental contre une détérioration dans le groupe contrôle.

Amélioration significative inter-groupe de "l’efficacité de la toux" évaluée par le Pulmonary Index.

Conclusion des auteurs

"Expiratory muscle strength was significantly reduced and related to FVC, cough efficacy, and functional status. Expiratory muscle training tended to enhance inspiratory and expiratory muscle strength. In addition, subjectively and objectively rated cough efficacy improved significantly and lasted for 3 months after training cessation"

Score PEDro

Analyse critique

Les résultats sont-ils valides ?

C’est un ECR de qualité moyenne et avec une puissance (nombre de sujets) adéquate. Des biais de sélection (lié à l’absence d’assignation secrète), de détection (lié à l’absence d’évaluation en aveugle) sont possibles. Malgré l’absence d’analyse en intention de traiter, il n’y a pas de biais d’attrition car tous les patients ont fini l’étude.

L’évaluation de l’efficacité de la toux par le Pumonary Index semble peu précise. En effet, l’évaluation de l’efficacité de la toux notamment par l’écoute de celle-ci est peu fiable et probablement peu sensible au changement. le Peak cough Flow (débit de pointe à la toux) est un outil simple, fiable, avec des valeurs seuils définies comme nous l’avions expliqué précédemment.

Quels sont les résultats ?

Il n’existe pas à notre connaissance de données d’interprétation (différence minimale détectable, différence minimale cliniquement importante) concernant PEmax et PImax. Il n’y a pas de différence statistiquement significative, néanmoins nous pouvons nous poser la question d’une pertinence clinique éventuelle de ces changements dans le groupe expérimental.

Même si les résultats sont en faveur d’une efficacité de l’entrainement expiratoire pour améliorer la toux, l’outil de mesure n’est pas le plus adapté.
L’entrainement expiratoire ne s’attaque qu’à une partie du problème concernant la toux. Elle néglige les 3 autres étapes que sont l’inspiration profonde, la fermeture de la glotte et la montée en pression intra-thoracique. A chaque étape peut correspondre un dysfonctionnement qui peut nécessite une prise en charge. Un traitement multimodal pourrait être plus pertinent en clinique.

Enfin, une évaluation des complications respiratoires et de leur impact aurait été pertinente dans cette population.

Puis-je appliquer cela à mes patients ?

On ne peut conclure avec certitude concernant l’entrainement expiratoire. On peut cependant, vu les biais de cette étude, parler de tendance à améliorer l’efficacité de la toux grâce à un entrainement expiratoire chez les patients SEP ayant un EDSS entre 7 et 9.5.

Il faudrait une autre étude pour confirmer ou infirmer les résultats concernant l’amélioration de la force des muscles respiratoires.

Références

Gosselink R, Kovacs L, Ketelaer P, Carton H, Decramer M. Respiratory muscle weakness and respiratory muscle training in severely disabled multiple sclerosis patients. Arch Phys Med Rehabil. 2000 Jun;81(6):747-51. Accès gratuit

[1] Gosselink R, Kovacs L, Decramer M. Respiratory muscle involvement in multiple sclerosis. Eur Respir J 1999;13:449-54
[2] Smeltzer SC, Skurnick JH, Troiano R, Cook SD, Duran W, Lavietes MH. Respiratory function in multiple sclerosis. Utility of clinical assessment of respiratory muscle function. Chest. 1992 Feb;101(2):479-84.