A première vue, la thérapie miroir (Mirror Box Therapy-MBT) semble très accessible ; ludique et simple à comprendre, elle paraît facile à mettre en place avec ses patients. Lorsqu’on se penche sur la littérature scientifique sous-jacente les questionnements ne tardent pourtant pas :
– Il existe de grandes discordances vis-à-vis des mécanismes possibles de fonctionnement ;
– Les niveaux de preuves sont très variables suivant les conditions étudiées ;
– On ne sait pas à quel point certains des bons résultats sont extrapolables à d’autres conditions ;
– etc.

En attendant la prochaine fournée Cochrane (1), la précédente signée Thieme et al. (2) incite à son utilisation en tant qu’adjuvant thérapeutique dans la prise en charge du patient hémiparétique post-AVC. Malgré quelques limitations, cette revue Cochrane conclut en l’existence de bénéfices sur le plan de la fonction motrice, de la fonction en AVJ, de la douleur et de la négligence spatiale unilatérale. Notez qu’aucune des 19 études incluses n’ont reporté d’effet secondaire/contre-indication.

Fantastique me direz-vous (et vous aurez un peu raison !) : une technique qui semble simple, efficace et sans contre-indication … presque incroyable non ?

Presque en effet… En se penchant sur cette revue systématique, on note tout de même qu’une seule des études retenues stipulait avoir évalué ces effets secondaires (3). Dans le reste de la littérature sur la MBT, ActuKiné n’a retrouvé qu’une seule étude qui s’est penchée de manière détaillée sur la notion de contre-indication / effet secondaire ainsi que sur les difficultés d’adhérence à la technique (4)*.

33 sujets (18-90 ans – 9 femmes et 24 hommes – amputations sur traumatisme, artériopathie périphérique, cancer ou infection) ayant des PLRP (Phantom Limb Relative Phenomena préféré au classique Phantom Limb Pain), c’est à dire des phénomènes (douleurs et sensations) relatifs au membre fantôme ont participé à cette étude.

Le protocole de MBT débutait entre 20 et 30 jours après l’amputation. Il était composé de 30 min de MBT du lundi au vendredi durant 3 semaines avec des exercices de flexions/extensions répétées du genou entre 0 et 90°. Ce protocole était accompagné d’une physiothérapie "classique". On recueillait régulièrement les impressions des participants vis-à-vis de leurs sensations, de la qualité et de l’efficacité de la technique, de leur ressenti face à l’amputation, etc. (interviews psychologiques semi structurées).

Sur 33 sujets seulement 4 ont complété l’ensemble des 15 sessions de MBT. 10 ont abandonné immédiatement à la première séance, 10 après deux séances, 5 après trois séances, et 4 après cinq séances ! Il n’y avait pas de relation entre age, sexe, niveau d’amputation et abandon. Fait intéressant, aucun participant n’a signalé d’augmentation des PLRP comme étant la cause de leur abandon. Seulement 12% des sujets ont respecté l’entièreté du protocole sans reporter d’effet secondaire. 88% ont abandonné et parmi eux : 58% ont mentionné des sensations d’étourdissement (65,5% du total des participants), 18% de l’agacement (20,7%) et 12% de l’anxiété (13,8%) en utilisant la MBT.

Cette étude semble importante car elle est la première (et la seule?) à montrer des effets secondaires et des limitations à l’application de la MBT. Elle va à l’encontre de l’idée que cette technique aide systématiquement les conditions de PLP : l’article parle à juste titre de "deception of the mirror". Ainsi, le couple MBT + physiothérapie classique (où l’on se focalise sur la prothèse, l’élaboration de stratégies de "coping" envers le membre perdu, la reconnaissance des limitations fonctionnelles,etc.) semble créer un fort contraste entre tenter de faire ré-apparaître un membre dans un miroir et gérer sa perte. A méditer …

* si un de nos amis lecteurs en connaît une autre, qu’il parle ou qu’il se taise à jamais … Amène !

Références

(1) Lieszel Plumbe , Susan Peters , Sally Bennett , Bill Vicenzino and Michel W Coppieters. Mirror therapy, graded motor imagery and virtual illusion for the management of chronic pain. Cochrane Database Syst Rev, in press. 2013.

(2) Thieme H, Mehrholz J, Pohl M, Behrens J, Dohle C. Mirror therapy for improving motor function after stroke. Cochrane Database Syst Rev. 2012 Mar 14;3.
(Accessible via abonnement à la SFP)

(3) Acerra NE, Souvlis T, Moseley GL. Stroke, complex regional pain syndrome and phantom limb pain: can commonalities direct future management? J Rehabil Med. 2007 Mar;39(2):109-14. Review.
En accès libre ici

(4) Casale R, Damiani C, Rosati V. Mirror therapy in the rehabilitation of lower-limb amputation: are there any contraindications? Am J Phys Med Rehabil. 2009 Oct;88(10):837-42.
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