la trachéotomie, avantage ou inconvénient en cas de dysphagie post AVC?
Un avantage non négligeable représenté par la présence d’une canule de trachéotomie est que l’aspiration du bol alimentaire qui s’est introduit dans les voies aériennes est facilitée. Ce geste prend tout son intérêt quand on sait que certaines fausses routes sont silencieuses (56% à 82% d’inhalation à bas bruit selon les études [1,2,3]), et que les pneumopathies d’inhalation représentent la troisième cause de décès au cours du premier mois après un AVC [4].

Cependant, un article de Robert D [5] fait référence à six études comparant la fréquence des fausses routes lorsque la canule de trachéotomie est obturée (condition quasiment similaire à une absence de trachéotomie) ou ouverte. Les résultats de chaque étude s’accordent pour conclure que les troubles de déglutition sont moins fréquents lors de l’obstruction de la canule de trachéotomie du fait de l’augmentation de la pression sous-glottique et de l’efficacité de la toux. Cela signifie donc que la présence de la trachéotomie altère la qualité de la déglutition.

Fort de cette constatation, on peut légitimement se poser la question suivante : quel mode d’utilisation de la trachéotomie permet de perturber le moins possible la fonction de déglutition ?

Dans le cas où le patient supporte une canule fenêtrée et un ballonnet dégonflé sur le plan respiratoire, il est préférable d’utiliser cette modalité lors des séances de rééducation. En effet le shunt des voies aériennes supérieures (VAS) provoque une dysfonction de la fonction de déglutition plus importante et ce, pour les raisons suivantes :
– L’ancrage provoqué par le ballonnet sur la paroi trachéale diminue l’ascension laryngée,
– La diminution de la pression sous-glottique due au shunt des VAS perturberaient le réflexe de fermeture des cordes vocales [6,7],
– Dyscoordination et atrophie de sous-utilisation des muscles déglutiteurs [8],
– Perte de sensibilité sous glottique [7].

Le seul avantage du shunt est palliatif : il permet d’empêcher en grande partie l’écoulement du bol alimentaire dans les voies aériennes inférieures de manière purement mécanique.

[1] Elpern EH, Okonek MB, Bacon M, Gerstrung C, Skrzynski M. Effect of the Passy-Muir tracheostomy speaking valve on pulmonary aspiration in adults. Heart Lung 2000;29:287-93.
[2] Leder SB. Incidence and type of aspiration in acute care patients requiring mechanical ventilation via a new tracheotomy. Chest 2002;122:1721-6.
[3] Elpern EH, Scott MG, Petro L, Ries MH. Pulmonary aspiration in mechanically ventilated patients with tracheostomies Chest 1994;105;563-66.
[4] Vandemeulebroecke M, Laloux P, Lawson G, Deltombe T, Hanson P. « La dysphagie après un accident vasculaire cérébral ».1ère Partie : Bilan et prise en charge. Louvain medical 2007;126,4:95-101.
[5] Robert D. Les troubles de déglutition postintubation et trachéotomie. Réanimation 2004;13:417-30.
Buckwalter JA, Sasaki CT. Effect of tracheotomy on laryngeal function. Otolaryngol Clin North Am 1984;17:41-8.
[6] Buckwalter JA, Sasaki CT. Effect of tracheotomy on laryngeal function. Otolaryngol Clin North Am 1984;17:41-8.
[7] Eibling DE, Gross RD. Subglottic air pressure: a key component of swallowing efficiency. Ann Otol Rhinol Laryngol.1996;105(4):253-8.
[8] DeVita MA, Spierer-Rundback L. Swallowing disorders in patients with prolonged oro-tracheal intubation or tracheostomy tubes. Crit Care Med 1990;18:1328-30.

Article soumis le 12/07/2010, accepté le 23/07/2010