Dans l’étude qui nous intéresse aujourd’hui (1), les auteurs n’ont pas utilisé les techniques habituelles pour carencer le sommeil des participants. Ils ont utilisé une technique de fragmentation du sommeil plus récente (modèle de Smith) (2) choisie, d’après eux, pour ces similitudes avec les nuits agitées des patients chroniques.

11 jeunes femmes saines (pas de douleur ni de troubles du sommeil) ont participé à cette étude. 4 nuits en laboratoire du sommeil étaient au programme : la première, la nuit d’adaptation, avait lieu 3 jours après le début de menstruation des participantes. Les autres nuits étaient programmées entre le 6ème et le 11ème jour post-menstruation. Les sujets étaient répartis aléatoirement soit dans un groupe avec une nuit normale en J6 (« nuit de base » devant comporter au minimum 8h de sommeil) puis un sommeil fragmenté en J10 et J11, soit dans un groupe qui effectuait cette séquence à l’envers. On demandait aux participantes de remplir un agenda du sommeil la semaine avant les tests ainsi que de limiter leur consommation de médicament, caféine et d’alcool. Concernant les nuits fragmentées, les lumières (allumage et extinction) étaient similaires de celles de la nuit de base et on appliquait le protocole de Smith : division des 8h de sommeil en 8 blocs avec l’un d’entre eux choisi au hasard pour un réveil d’une heure (interactions avec un examinateur pour éviter de se rendormir) et pour chacun des 7 autres blocs, un réveil de 20 min avec lumière, discussion et jeu de cartes en position assise… Bref l’horreur !

Au réveil matinal, le traitement ne s’arrangeait pas puisque les sujets étaient cordialement invités à subir des tests évaluant leur sensibilité à la douleur : douleur induite par ischémie (garrot à l’avant-bras – douleur « profonde » pour les auteurs) et évaluée par VAS + seuils de pression mécanique à la douleur (Pin-prick thresholds – douleur dite « superficielle »). Les auteurs évaluaient aussi les seuils de détection du toucher par monofilaments de Semmes-Weinstein et administraient des questionnaires : POMS (Profile of Mood States) et PILL (Pennebaker Inventory of Limbic Languidness).

Dès la première nuit de sommeil perturbé, les auteurs ont retrouvé au matin une augmentation de la sensibilité à la douleur profonde et superficielle. Cet effet se renforçait encore après la seconde nuit perturbée. Ces modifications ne concernaient que la nociception puisqu’il n’était pas retrouvé de changement des seuils de détection du toucher.

La généralisation de ces résultats est bien entendu impossible compte tenu de l’échantillon (petit et ciblant uniquement des jeunes femmes). D’autres études utilisant ce protocole avec une plus forte qualité méthodologique devront suivre mais force est de constater qu’un faisceau de preuves montrant l’impact du sommeil sur la douleur est en train d’émerger.

 

Références

(1) Iacovides S, George K, Kamerman P, Baker FC. Sleep Fragmentation Hypersensitizes Healthy Young Women to Deep and Superficial Experimental Pain. J Pain. 2017 Jul;18(7):844-854. doi: 10.1016/j.jpain.2017.02.436. Epub 2017 Mar 11.

(2) Smith MT, Edwards RR, McCann UD, Haythornthwaite JA. The effects of sleep deprivation on pain inhibition and spontaneous pain in women. Sleep 30:494-505, 2007