Introduction

L’entrainement sur tapis roulant ne permet pas de rendre indépendant à la marche un patient qui dépend d’une aide humaine lors d’une utilisation avec allègement du poids du corps [1,2]. Cette technique n’est pas plus bénéfique (vitesse de marche, endurance) qu’un traitement conventionnel chez le patient dépendant à la marche [2].
L’entrainement sur tapis roulant chez le patient AVC marchant indépendamment permet d’améliorer la vitesse de marche et l’endurance de marche [2,3], mais les effets sont modérés avec une amélioration de 40m au test de marche de 6min et 0,12-0,14m/s de la vitesse de marche [2], des valeurs qui ne sont pas cliniquement significatives [4,5].
Lorsque cet entrainement est comparé à un entrainement sur le sol, il n’y a pas d’effets supplémentaires démontrés comme l’évoquait Jean-Philippe Regnaux en 2013.
La vitesse d’entraînement sur tapis roulant a été identifiée comme un élément influençant l’amélioration de la vitesse et de l’endurance. Une vitesse plus élevée dès le départ (1.2-1.3 m/s) serait plus efficace chez des patients marchant indépendamment à une vitesse spontanée < 0.4 m/s (critère d’inclusion) [6]. Stephan Rostagno avait présenté cette étude en 2014.
Il y a probablement chez les patients AVC marchant indépendamment, des sujets qui répondent mieux à ce type de technique que d’autres.
La vitesse de marche minimale permettant de déambuler au quotidien, dans la communauté est de 0.8 m/s. Il existe quelques données démontrant que des patients marchant très lentement sortiront rarement de leur domicile [7].
Les auteurs ont repris les résultats de leur essai clinique dénommé "AMBULATE" qui avait démontré des améliorations modérées de la vitesse (0.15 m/s) et de l’endurance de marche (38 m) suite à 4 mois d’entraînement sur tapis roulant [8]. Ils ont fait une analyse secondaire des résultats et ont posé la question suivante :
"Après AVC, est-ce que l’entrainement sur tapis roulant associé à la marche sur le sol améliore de manière plus importante la vitesse et l’endurance à la marche chez les patients marchant à plus de 0,4 m/s par rapport à ceux marchant moins vite ?"

Méthode

Essai contrôlé randomisé
Inclusion : Patients dans les 5 ans après leur premier AVC, MMSE > 23, marchant sans aide et mettant plus de 9 secondes pour faire 10 m (afin de les définir comme "lents"), n’étant plus en réadaptation.
Exclusion : état cardiaque instable, troubles cognitifs majeurs, troubles phasiques.

Intervention
Groupe expérimental : 30 min d’entrainement débutant à 80 % sur tapis roulant et 20 % sur le sol pour arriver lors de la dernière semaine à 15 min de tapis roulant et 15 min de marche sur sol. L’entrainement a été réalisé 3x / semaine durant 16 semaines.
Groupe contrôle : pas d’intervention

Critères d’évaluation
Principal : Distance réalisée au test de marche de 6 minutes (TDM6)
Secondaires :

  • Vitesse confortable et maximale au test de 10 mètres de marche (10m)
  • Qualité de vie évaluée par le questionnaire EuroQol

Résultats

Chez les patients marchant à plus de 0,4 m/s
La différence inter-groupe (Exp – Cont) à 4 mois est de 57 m (IC 95% 30 à 84) au TDM6 et de 0.18 m/s (IC 95% 0,07 à 0.29) au test de 10m à vitesse confortable.
A 12 mois, la différence inter-groupe (Exp – Cont) est de 5 m (IC 95% -43 à 53) au TDM6 et de 0.01 m/s (IC 95% -0.10 à 0.12) au test de 10m à vitesse confortable.

Chez les patients marchant à moins de 0,4 m/s
La différence inter-groupe (Exp – Cont) à 4 mois est de -15 m (IC 95% -64 à 34) au TDM6 et de 0.01 m/s (IC 95% -0.08 à 0.10) au test de 10 m à vitesse confortable en faveur du groupe expérimental.
A 12 mois, la différence inter-groupe (Exp – Cont) est de 21 m (IC 95% -42 à 84) au TDM6 et de -0.01 m/s (IC 95% -0.17 à 0.15) au test de 10m à vitesse confortable.

Il n’y avait aucune différence concernant la qualité de vie.

Conclusion des auteurs

Les résultats de cette étude démontrent un effet différent du tapis roulant associé à la marche sur le sol en fonction de la vitesse confortable initiale de marche.
Le bénéfice obtenu pour l’endurance et la vitesse de marche est plus important chez les patients marchant plus vite au début du traitement. Cependant, le bénéfice n’est pas maintenu dans le temps.
Les cliniciens devraient utiliser la vitesse de marche confortable pour prédire l’amélioration potentielle et guider leur prise en charge.

Evaluation PEDro

Commentaires Actukiné

L’évaluation PEDro et la lecture de l’article montrent une bonne qualité pour cet essai clinique. La limite principale est qu’il s’agit d’une analyse secondaire, post-hoc, augmente le risque α, c’est-à-dire, de démontrer un effet alors qu’il n’existe pas.
Il faudra un essai clinique randomisé définissant au préalable ces sous-groupes afin de pouvoir affirmer que l’entrainement sur tapis roulant associé à la marche sur sol est à réaliser chez les patients AVC marchant à plus de 0,4 m/s et qu’il faut envisager d’autres moyens d’améliorer la vitesse et l’endurance de marche chez les patients AVC marchant à moins de 0.4 m/s.

L’autre point très intéressant de cet article et l’absence de maintien du gain 8 mois après la fin du programme d’entrainement. Avec toutes les réserves liées à l’analyse secondaire, il n’y a pas eu de transposition dans la vie quotidienne ou de changement de comportement permettant de maintenir ce niveau à distance de l’intervention. Il serait intéressant d’évaluer via des accéléromètres, l’activité quotidienne des patients après le programme afin chercher les causes de cette absence de maintien des gains. Ce sont des outils valides chez le patient AVC [9]. Une étude pilote française (nancéenne) a été réalisée auprès de 8 patients AVC afin d’évaluer leur observance au niveau activité physique avant, pendant, après et à distance d’un réentraînement [10].
A l’instar de ce qui ce passe en réhabilitation respiratoire où il est difficile de changer le comportement des patients afin qu’ils maintiennent les résultats de leur réentraînement [11], il pourrait se produire la même chose chez les patients AVC. Une piste pour de l’éducation thérapeutique ?

Référence de l’article

Dean CM, Ada L, Lindley RI. Treadmill training provides greater benefit to the subgroup of community-dwelling people after stroke who walk faster than 0.4m/s: a randomised trial. J Physiother. 2014 Jun;60(2):97-101. Article en accès libre.

Références

[1] Ada L, Dean CM, Morris ME, Simpson JM, Katrak P. Randomized trial of treadmill walking with body weight support to establish walking in subacute stroke: the MOBILISE trial. Stroke. 2010 Jun;41(6):1237-42.
[2] Polese JC, Ada L, Dean CM, Nascimento LR, Teixeira-Salmela LF. Treadmill. Training is effective for ambulatory adults with stroke: a systematic review. J Physiother. 2013 Jun;59(2):73-80.
[3] Mehrholz J, Pohl M, Elsner B (2014) Treadmill training and body weight support for walking after stroke. Cochrane database Syst Rev 1:CD002840.
[4] Fulk GD, Ludwig M, Dunning K, Golden S, Boyne P, West T. Estimating clinically important change in gait speed in people with stroke undergoing outpatient rehabilitation. J Neurol Phys Ther. 2011;35:82–89.
[5] Perera S, Mody SH, Woodman RC, Studenski SA. Meaningful change and responsiveness in common physical performance measures in older adults. J Am Geriatr Soc. 2006 May;54(5):743-9.
[6] Lee IH. Does the speed of the treadmill influence the training effect in people learning to walk after stroke? A double-blind randomized controlled trial. Clin Rehabil. 2014 Jul 15.
[7] Perry J, Garrett M, Gronley JAK, Mulroy SJ. Classification of walking handicap in the stroke population. Stroke. 1995;26:982–989.
[8] Ada L, Dean CM, Lindley R. Randomized trial of treadmill training to improve walking in community-dwelling people after stroke: the AMBULATE trial. Int J Stroke. 2013;8:436–444.
[9] Rand D, Eng JJ, Tang PF, Jeng JS, Hung C. How active are people with stroke? Use of accelerometers to assess physical activity. Stroke. 2009 Jan;40(1):163-8.
[10] Touillet A, Guesdon H, Bosser G, Beis JM, Paysant J. Assessment of compliance with prescribed activity by hemiplegic stroke patients after an exercise programme and physical activity education. Ann Phys Rehabil Med. 2010 May;53(4):250-7, 257-65.
[11] Soicher JE, Mayo NE, Gauvin L, Hanley JA, Bernard S, Maltais F, Bourbeau J. Trajectories of endurance activity following pulmonary rehabilitation in COPD patients. Eur Respir J. 2012 Feb;39(2):272-8.