Que ce soit en France à travers la succession des plans douleur ou, sur le plan international avec notamment la déclaration de Montréal de 2010 (congrès de l’IASP), la prise en considération de la douleur est devenu un droit fondamental du patient. Cependant, face à son caractère subjectif, le besoin d’objectivisation de la douleur est important pour chacun des acteurs impliqués (patients, soignants, assureurs, etc.). L’arrivée de nouveaux moyens technologiques permettant d’étudier la douleur (comme par exemple l’IRM fonctionnelle) pose de nombreux problèmes éthiques et législatifs à propos de la « possibilité » d’objectiver la douleur d’un individu. Ainsi, l’IRMf est-il un bon « douleur-mètre » ? C’est à cette question que l’article de Davis (1) s’est intéressé.

Si la réponse à cette question peut vous sembler relativement aisée, il n’en est rien pour le législateur comme en témoigne à la fois les gadgets historiques (par exemple, l’utilisation du polygraphe comme détecteur de mensonge) et les récentes utilisations d’imagerie fonctionnelle devant des tribunaux américains. De nombreuses firmes se lancent sur le marché pour « aider » les patients à faire reconnaitre leurs douleurs.

L’article de Davis met les pendules à l’heure en dégageant quelques problématiques concernant l’impossibilité actuelle de dégager un biomarqueur fiable de la douleur (spécialement la douleur chronique):
Le problème de l’accessibilité à cette évaluation : coût important (à la charge de qui?), répartition géographique du matériel non homogène, contre-indications à certains patients (pacemaker, etc.), etc.
Le problème du mélange nociception/douleur : les études scientifiques considère fréquemment l’activité cérébrale nociceptive comme le reflet de la douleur perçue et assimilent cette activité à la mesure de la douleur.
Le problème de la représentation de la douleur dans le cerveau : le concept de connectome dynamique de la douleur (2) correspond au fait que la douleur engage des aires en activité bien au-delà des simples voies nociceptives ascendantes mais aussi dans les réseaux de l’attention, de saillance et du mode par défaut. La distribution d’activité dans ces réseaux n’étant pas spécifique, il devient difficile de parler de « douleur-mètre ». De plus, les conditions expérimentales utilisées dans les essais représentent des réponses évoquées et ne sont pas facilement extrapolables à des conditions de douleurs chroniques continues.
Le problème des grandes variabilités inter-sujets : les grandes variations entre individus concernant leurs seuils douloureux, la qualité des douleurs évoquées par des stimuli aigus, leurs réponses de modulation, leurs réponses attentionnelles, leurs traits de personnalité et les autres facteurs psychologiques, etc. empêchent de dégager un biomarqueur fiable de la douleur chronique.
Le problème de fiabilité et de reproductibilité de l’outillage de mesure (faux positifs, faux négatifs, etc.)
Le problème de ce qu’enregistrent les appareils de mesure sur le plan physiologique : par exemple, l’IRMf n’enregistre pas directement l’activité neuronale et n’est pas capable de mesurer des changements de l’ordre de quelques millisecondes. Ce problème de résolution temporelle s’additionne à des problèmes de résolutions spatiales.

Bien du chemin reste à parcourir pour interpréter correctement les trouvailles liées à l’utilisation de tels dispositifs et pouvoir peut-être un jour déterminer un biomarqueur valide de la douleur?

Références

(1) Davis, K. D. (2016). Legal and ethical issues of using brain imaging to diagnose pain. PAIN Reports, 1(4), e577.

(2) Kucyi A, Davis KD. The dynamic pain connectome. Trends Neurosci 2015;38:86–95.

Un petit document pour faire le point

Un article de Nature