Introduction

Dans un précédent article, nous évoquions l’interval-training sur cyclo-ergomètre comme piste chez le patient Parkinsonien. Nous mentionnions déjà le peu d’études sur les effets du cyclo-ergomètre. Les quelques études sur le sujet sont de faibles qualités [1, 2, 3] et aucun essai contrôlé randomisé n’a été réalisé jusqu’ici [4]. Les effets sur la marche ne sont pas démontrés.
Les évidences concernant les effets de l’entrainement sur tapis roulant sont quant à elle nombreuses et fortes concernant l’amélioration de la marche, que soit avec ou sans allègement du poids du corps [5].
Cette étude avait pour objectif de comparer les effets sur la marche et l’équilibre de l’entrainement intensif sur cyclo-ergomètre ou sur tapis roulant.

Méthode

Design : Essai contrôlé randomisé

Inclusion : patients parkinsoniens avec un score de Hoehn et Yahr entre 1,5 et 3, capable de marcher entre 200 et 500m au test de marche de 6 minutes

Exclusion : incapacité de réaliser l’entrainement, autre maladie neurologique associée à la maladie de Parkinson, troubles musculo-squelettiques ou cardiaques affectant la mobilité.

Modalités d’entrainement :
3 semaines, 5x/semaine, 2x 30 min par jour (matin et après-midi)
– Groupe Tapis roulant : 5 min 80-90% vitesse confortable (évaluée par test 10m), 20 min avec une vitesse correspondant à un effort perçu entre 11 et 14 sur l’échelle de Borg, 5 min de retour au calme.
– Groupe Cyclo-ergomètre : 5 min d’échauffement, 20 min d’effort continu, 5 min de retour au calme. L’intensité cible correspondait à un effort perçu entre 11 et 14 sur l’échelle de Borg.
+ 1 session de 60min d’exercices de renforcement musculaire / étirement / équilibre dans les 2 groupes.

Critères d’évaluation :
– Paramètres spatio-temporels de la marche par GAITRite
– Distance réalisée au test de marche de 6min
– Mini Best-Test
– Timed Up and Go
– Partie 3 (motrice) UPDRS
Les évaluations ont été réalisées avant le début du protocole et à la fin de celui-ci.

Résultats

Amélioration intra-groupe statistiquement significative dans chaque groupe de la distance réalisée au TDM6, des paramètres spatio-temporaux (sauf la cadence qui n’a augmenté significativement que dans le groupe cyclo-ergomètre) et du score réalisé au Mini Best-Test.
Diminution intra-groupe statistiquement significative dans chaque groupe du temps réalisé au Timed Up and Go et du score de la partie 3 de l’UPDRS.

Pas de différence inter-groupe.

Score PEDro

Commentaires Actukiné

Les résultats sont-ils valides ?

C’est un ECR de qualité moyenne et avec une puissance (nombre de sujets) adéquate. Un biais de sélection (lié à l’absence d’assignation secrète) sont possibles. Malgré l’absence d’analyse en intention de traiter, il n’y a pas de biais d’attrition car tous les patients ont fini l’étude.

5 tests ont été utilisés pour évaluer les effets de ces programmes, sans préciser un critère principal ce qui augmente le risque de montrer un effet alors qu’il n’y en a peut-être pas. En présence d’un critère principal défini, il aurait fallu corriger le seuil de significativité (Bonferroni) vu que nous avons des comparaisons multiples. Avec 5 tests le seuil de significativité devrait être de 0,01 ce qui rend les résultats statistiquement non significatifs en intra-groupe pour :
– la cadence de marche dans les 2 groupes,
– la durée du double appui dans le groupe cyclo-ergomètre
– la durée du TUG dans le groupe cyclo-ergomètre
Par ailleurs, on ne peut exclure un manque de puissance de l’étude : 29 sujets au total, c’est peu.

Quels sont les résultats ?

Il n’y a pas de différence statistiquement significative inter-groupe, néanmoins nous pouvons nous poser la question de la pertinence clinique éventuelle de ces changements dans les 2 groupes.
La différence minimale détectable (DMD) pour le TUG avec une population de patients Parkinsoniens similaire est de 3,5 sec [6], alors que le gain obtenu se situe entre 1 et 2 sec.
La DMD de l’UPDRS est de 11 points [7], le gain obtenu dans chaque groupe est d’environ 6 points.
Enfin, la DMD du Mini Best-Test est de 5,52 points [8] alors que le bénéfice obtenu varie entre 2,3 et 3,3 points.

Puis-je appliquer cela à mes patients ?

Il n’y a pas de différence statistique et clinique entre un entrainement sur tapis roulant ou cyclo-ergomètre lorsqu’il est couplé à une session quotidienne d’exercices.
Néanmoins, il n’y a pas d’effet clinique démontré dans les 2 groupes et cela peut venir de plusieurs raisons :
– Manque de puissance de l’étude
– Effectif choisi trop large : en effet il y a une différence clinique importante entre un patient au stade 1,5 et un patient au stade 3 de Hoehn et Yahr. L’intensité du protocole pourrait être suffisante pour un patient au stade 3, mais pas forcément au stade 1,5 ; mais seule une autre étude pourrait vérifier cela.

Ces outils sont utiles mais pas suffisants pour améliorer seuls la marche, la mobilité ou l’équilibre chez le patient parkinsonien.

Référence de l’étude

Références

[1] Ridgel AL, Peacock CA, Fickes EJ, Kim CH. Active-assisted cycling improves tremor and bradykinesia in Parkinson’s disease. Arch Phys Med Rehabil. 2012 Nov;93(11):2049-54..
[2] Uygur M, Bellumori M, LeNoir K, Poole K, Pretzer-Aboff I, Knight CA. Immediate effects of high-speed cycling intervals on bradykinesia in Parkinson’s disease. Physiother Theory Pract. 2015 Feb;31(2):77-82.
[3] Marusiak J, Żeligowska E, Mencel J, Kisiel-Sajewicz K, Majerczak J, Zoladz JA, Jaskólski A, Jaskólska A. Interval training-induced alleviation of rigidity and hypertonia in patients with Parkinson’s disease is accompanied by increased basal serum brain-derived neurotrophic factor. J Rehabil Med. 2015 Apr;47(4):372-5
[4] Shu HF, Yang T, Yu SX, Huang HD, Jiang LL, Gu JW, Kuang YQ. Aerobic exercise for Parkinson’s disease: a systematic review and meta-analysis of randomized controlled trials. PLoS One. 2014 Jul 1;9(7):e100503..
[5] Mehrholz J, Kugler J, Storch A, Pohl M, Hirsch K, Elsner B. Treadmill training for patients with Parkinson’s disease. Cochrane Database Syst Rev. 2015 Sep 13;(9):CD007830.
[6] Huang SL, Hsieh CL, Wu RM, Tai CH, Lin CH, Lu WS. Minimal detectable change of the timed “up & go” test and the dynamic gait index in people with Parkinson disease. Phys Ther. 2011 Jan;91(1):114-21. doi: 10.2522/ptj.20090126. Epub 2010 Oct 14.
[7] Steffen T, Seney M. Test-retest reliability and minimal detectable change on balance and ambulation tests, the 36-item short-form health survey, and the unified Parkinson disease rating scale in people with parkinsonism. Phys Ther. 2008 Jun;88(6):733-46.
[8] Leddy AL, Crowner BE, Earhart GM. Utility of the Mini-BESTest, BESTest, and BESTest sections for balance assessments in individuals with Parkinson disease. J Neurol Phys Ther. 2011 Jun;35(2):90-7.