20 participants droitiers ont pris part à cette étude. Ils ont réalisé des RHI (stimulations synchrones et asynchrones) dans des conditions alliant des stimulations thermiques nociceptives à l’utilisation de crèmes dites antalgiques (placebo) au niveau des avant-bras (réel et factice). Les auteurs ont adapté le questionnaire originel de Botvinik & Cohen pour évaluer l’illusion subjective et notamment les sensations liées à la nociception pouvant être projetées sur le membre en plastique (les réponses étaient des oui ou non et en cas de oui, les participants devaient évaluer immédiatement l’intensité de cette sensation sur une échelle 0-5). Ils ont également mesuré l’importance du décalage proprioceptif. Une stimulation thermique nociceptive était utilisée (thermode) après une phase de calibration et il était demandé aux sujets d’indiquer l’intensité de la douleur (0-100) et son caractère déplaisant (0-100). Deux crèmes étaient utilisées (l’une contrôle et l’autre placebo – la différence entre les deux crèmes pourtant neutres reposait sur le fait que le placebo était emballé dans un carton pharmaceutique et manipulé avec des gants chirurgicaux).

L’expérience se déroulait sur deux sessions séparées d’environ 2 semaines. Deux zones du bras étaient repérées à la fois sur le bras réel et sur le bras factice et allaient servir à appliquer les deux types de crème ; on utilisait une thermode au bras réel et une thermode factice (les deux émettaient une lumière rouge) au niveau du bras factice. Chaque session comportait 14 blocs de stimulations thermiques séparées en trois phases (pré-conditionnement, conditionnement et post-conditionnement). Les mesures étaient réalisées à certains moments des blocs. Durant la phase de pré-conditionnement, la thermode délivrait une stimulation provoquant une intensité douloureuse perçue à 60/100. En phase de conditionnement les auteurs utilisaient les crèmes : il était expliqué aux sujets que l’une était un puissant analgésique alors que l’autre était neutre ; les stimulations étaient ensuite répétées mais on baissait la stimulation à 30/100 dans les cas de stimulation avec la crème réputée analgésique (répété sur 6 blocs). Enfin, en phase de post-conditionnement, les mêmes stimulations qu’en phase de prétraitement étaient utilisées.

75 % des participants ont ressenti un sentiment d’incarnation du membre factice en condition synchrone et 55% ont perçu une douleur sur le membre factice. Les résultats montrent que l’intensité et le caractère déplaisant de la douleur diminuent au niveau du site sur lequel a été placé le placebo alors qu’ils augmentaient au site contrôle (lorsqu’on compare les conditions de prétraitement et de post-traitement) mais seulement dans le cas où les stimulations visuo-tactiles du RHI étaient synchrones.

Les auteurs font remarquer que comme les effets sont spécifiques du site de traitement placebo en condition synchrone uniquement, il ne semble pas possible que l’analgésie provienne du RHI lui-même ou encore de l’impact visuel/attention portés sur la thermode car dans ces cas, il aurait dû y avoir une baisse de la douleur au niveau du site contrôle. Ce travail souligne donc l’impact de l’incarnation (embodiment) dans la genèse de l’analgésie par placebo. Les auteurs évoquent l’intérêt de comprendre plus précisément cette possible relation pour pouvoir en tirer des retombées cliniques dans le cadre des pathologies où la conscience corporelle est altérée (lombalgie chronique, SDRC, etc.).

Références

Coleshill, M. J., George, D. N., & Mazzoni, G. (2017). Placebo Analgesia from a Rubber Hand. The Journal of Pain.