Cet article met en avant la prise en charge du traitement conservateur pour les ruptures du ligament croisé antérieur (LCA) chez des sujets non sportifs professionnels.

L’étude a évalué la rééducation initiale suivie d’une ligamentoplastie du LCA précoce (à 10 semaines post-rupture) (groupe 1) versus rééducation avec l’option d’être opéré plus tard, si nécessaire (groupe 2).

Méthode :

121 patients, avec une moyenne d’âge de 26 ans (18–35), non sportifs professionnels, et avec un score minimal de 5/10 au Tegner, ont été randomisés dans cette étude prospective avec 5 ans de suivi en un groupe 1 (n=61) “Ligamentoplastie précoce”  et un groupe 2 (n=59) “ligamentoplastie retardée optionnelle”.

Les mêmes chirurgiens faisaient parti du protocole de recherche. En cas d’intervention chirurgicale, ils optaient pour un greffon avec ischio-jambiers ou un greffon patellaire selon leur préférence.
Lors de la ligamentoplastie du ligament croisé antérieur (précoce ou retardée) un geste chirurgical sur le(s) ménisque(s) pouvait être effectué.

Mesures :

Le score de KOOS (Knee Injury and Osteoarthritis Outcome Score), le SF-36, l’échelle d’activité de Tegner, la stabilité passive du genou (Lachman et Pivot Shift Test), la présence de lésion arthrosique à la radiographie du genou ont été recueillis.

Résultats à 5 ans :

Les sujets du groupe 2 ont été sous-groupés en groupe “ligamentoplastie retardée” et “traitement conservateur” si la ligamentoplastie n’avait pas été jugée nécessaire (?).

Dans ce Groupe 2, 51 % ont opté pour la chirurgie dans une médiane de 867 jours (2 ans et 4 mois 1/2 après l’accident, dont les raisons ne sont pas précisées). 49% (n=29) des sujets n’ont pas opté pour la chirurgie (Frobell et al, 2015)

Il n’y avait pas de différence sur les paramètres évalués entre le groupe 1 “ligamentoplastie précoce” et le sous-groupe 2 “ligamentoplastie retardée” ou le sous-groupe 2 “traitement conservateur”.

Lésions méniscales :

Pas de différence significative entre chirurgie précoce ou retardé-optionnelle (P=0.483).

Bilan radiologique :

L’évaluateur était en aveugle du groupe attribué au patient.

Les radiographies ont été disponibles pour 93% des sujets (n=113).

L’arthrose fémoro-patellaire était présente chez 24% des sujets du groupe “ligamentoplastie précoce” contre 21% dans le groupe “ligamentoplastie retardée” et 8% dans le groupe “traitement conservateur”. Le sous-groupe ligamentoplastie avec greffon patellaire était le plus à risque.

L’arthrose fémoro-tibiale était retrouvée dans 16% des patients du groupe “ligamentoplastie précoce” contre 3% des patients du groupe “ligamentoplastie retardée” et dans 6% des patients du groupe “traitement conservateur”.

Il n’y avait pas de différence entre les deux types de greffon : tendon ischio-jambiers (n=51) ou greffon patellaire (n=40).

Récidives :

Des accidents ayant entrainés une rupture du greffon ont été relevés dans 5% (n=3) du groupe ““ligamentoplastie précoce” et 3% (n=1) du groupe “ligamentoplastie retardée” sur les 5 années de suivi.

Niveau d’activité :

Il n’y avait pas de différence entre le niveau d’activité évaluée au score de Tegner soit 4/10 (2 à 7) correspondant à “work- moderately heavy labor (e.g. truck driving, etc.)”.

A 2 ans du traumatisme, il y avait retour au niveau d’activité pré-blessure dans 44% des cas dans le “ligamentoplastie précoce” contre 36% du groupe “ligamentoplastie retardée”

A 5 ans, il y avait retour au niveau d’activité pré-blessure dans 20% des cas dans le “ligamentoplastie précoce” contre 22% du groupe “ligamentoplastie retardée” et 21% du groupe “traitement conservateur”.

Conclusion :

Dans cet échantillon, la moitié des patients non sportifs professionnels victime d’une rupture traumatique du LCA ayant suivi un programme rééducation n’ont pas bénéficié d’une ligamentoplastie du LCA.

À cinq ans de suivi, il n’y a pas de différence significative entre les groupes chirurgie précoce, chirurgie retardée ou traitement conservateur sur la douleur, le retour au niveau d’activité, les lésions arthrosiques radiologiques et les récidives de rupture du greffon.

Une autre étude de Meuffels et al. (2009) incluant des athlètes de haut niveau traités par ligamentoplastie ou traitement conservateur conclut de même sur les lésions arthrosiques à la radiographie.

Biais et critiques :

– La réussite de la ligamentoplastie et de ses suites rééducatives :

Le retour au niveau d’activité précédent l’accident était de seulement 20% des cas de cette étude (Frobell et al, 2013) contre 63% à 41 mois de suivi selon les données d’une méta-analyse (Arden et al, 2011).

Aussi, seulement 76% du groupe Ligamentoplastie précoce et 60% du groupe Ligamentoplastie retardée avait un Pivot shift test normal.

– L’étude n’apporte pas d’information sur le pourcentage de sujets ayant opté pour un changement (adaptation) volontaire du niveau d’activité physique suite à la rupture du LCA dans les différents groupes.

– La fréquence de résections méniscales étaient plus importantes dans le groupe ligamentoplastie retardée que dans le groupe ligamentoplastie précoce avec respectivement 70% versus 48% dans les deux groupes.

– Les caractéristiques des sujets ne sont pas reportées : morphologie (trapus, bréviligne), la laxité générale, l’IMC

– La laxité différentielle du genou pathologie versus côté sain n’est pas précisée.

– Le type et protocole de rééducation n’est pas détaillé (Risberg et al, 2004 ; Frobell et al, 2010),

– Peut-on extrapoler les résultats aux sujets féminins peu représentés dans cette étude (26% ; n=32/121) ?

– Peut-on extrapoler les résultats sur du très long terme ?

– Les sujets du groupe “Ligamentoplastie retardée” et “Traitement conservateur” présente un genou significativement plus instable aux tests de Lachman et pivot shift comparés au groupe “Chir précoce”. Ceci peut-il représenter un facteur de lésion méniscales et, ou dégénératives à très long terme (Ardern, 2013) ?

Qu’en pensez-vous ?

Références bibliographiques :

Meuffels DE, Favejee MM, Vissers MM, Heijboer MP, Reijman M, Verhaar JA. Ten year follow-up study comparing conservative versus operative treatment of anterior cruciate ligament ruptures: a matched-pair analysis of high level athletes. Br J Sports Med 2009;43:347-51.

Résumé en ligne

Frobell RB, Roos HP, Roos EM, Roemer FW, Ranstam J, Lohmander LS. Treatment for acute anterior cruciate ligament tear: five year outcome of randomised trial. BMJ. 2013 Jan 24;346:f232. doi: 10.1136/bmj.f232

Résumé en ligne

Frobell RB, Roos HP, Roos EM, Roemer FW, Ranstam J, Lohmander LS. Treatment for acute anterior cruciate ligament tear: five year outcome of randomised trial. Br J Sports Med. 2015 May;49(10):700. doi: 10.1136/bjsports-2014-f232rep.

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