Le 12 novembre 2017 est une date qui restera dans les mémoires des individus qui gravitent dans le « monde de la douleur »… ou pas ! Un nouveau terme descripteur de douleur vient rejoindre le système de classification de l’IASP*. Dorénavant un individu douloureux peut donc être considéré comme porteur d’une :
– Douleur nociceptive
– Douleur neuropathique
Douleur nociplastique
– Combinaison partielle ou totale des termes cités précédemment

Les mises à jour de cette taxonomie** s’effectuent depuis les années 80 via le travail d’une Task-Force. Ce système ne comptait jusqu’à présent que deux types de douleur (nociceptive ou neuropathique) laissant de côté de nombreux patients porteurs de douleurs étiquetées comme dysfonctionnelles / idiopathiques. En 2011, l’adoption d’une nouvelle définition de la douleur neuropathique avec des critères plus restrictifs a encore renforcé cette mise à l’écart. L’amélioration des connaissances concernant certains mécanismes biologiques comme la sensibilisation centrale (notamment le fait qu’elle semble pouvoir exister sans être alimentée par un excès de nociception) on conduit plusieurs chercheurs (1) a faire le forcing pour ajouter un nouveau descripteur à cette taxonomie : c’est le terme nociplastique qui a finalement été retenu.

Faisons un petit récapitulatif de ces définitions pour y voir plus clair :
– La douleur nociceptive est une douleur qui survient du fait d’un dommage réel ou potentiel (une menace) sur des tissus non nerveux et qui est due à une activation des nocicepteurs – Pain that arises from actual or threatened damage to non-neural tissue and is due to the activation of nociceptors
– La douleur neuropathique est une douleur causée par une lésion ou une maladie du système somatosensoriel – Pain caused by a lesion or disease of the somatosensory nervous system
– La douleur neuroplastique est une douleur qui survient du fait d’une nociception altérée malgré l’absence de preuve claire en faveur d’un dommage tissulaire réel ou potentiel causant l’activation des nocicepteurs périphériques ou, l’absence de preuve en faveur d’une lésion ou d’une maladie du système somatosensoriel causant la douleur – Pain that arises from altered nociception despite no clear evidence of actual or threatened tissue damage causing the activation of peripheral nociceptors or evidence for disease or lesion of the somatosensory system causing the pain

Nociplastique : solution ou problématique ?
Bien qu’assez vague (toujours ce fichu problème de "nocicepteur/nociception" dont parlais Wall il y a plus de 30 ans), la notion de « nociception altérée » renvoie donc à un trouble d’encodage de la nociception au niveau central : il est en effet stipulé que le terme de « douleur nociplastique » n’intègre pas celle de « douleur nociceptive » qui elle-même appelle une stimulation des nocicepteurs. Par conséquent, on peut raisonnablement penser que la douleur nociplastique cible des mécanismes de sensibilisation au niveau spinal (par exemple du second neurone nociceptif spécifique) et cortical (par exemple via des mécanismes de facilitation et de désinhibition corticales).

Le terme nociplastique s’adresse clairement aux « oubliés » de la classification précédente en intégrant mieux les profils de patients présentant des mécanismes de sensibilisation centrale sans signe périphérique (notez au passage que le terme nociplastique n’est ni un diagnostic, ni un synonyme stricto sensu de sensibilisation centrale).

Plusieurs nouvelles questions se posent (2) et appellent des réponses/prises de position dans de futurs papiers :
– Quels critères cliniques utiliser pour retenir cette dénomination ?
– Comment expliquer au patient les différentes entre ces catégories ?
– Quid des douleurs ne rentrant pas dans ces catégories ?
– Est-ce que cette reconnaissance peut déboucher sur une forme de reconnaissance des pouvoirs publics ?
– Est-elle une aide pour les patients ou va-t-elle les ancrer un peu plus dans leurs douleurs ?
– Etc.

Restons positifs et voyons comment praticiens, chercheurs et patients s’accordent sur ces vocables et quelles sont les conséquences qui peuvent en découler… En attendant, vous pouvez nous donner votre avis via la rubrique commentaires !

Références

* https://www.iasp-pain.org/Taxonomy
** https://www.iasp-pain.org/Education/Content.aspx?ItemNumber=2051

(1) Kosek E, Cohen M, Baron R, et al. Do we need a third mechanistic descriptor for chronic pain states? Pain 2016; 157(7): 132-186.

(2) Granan, L. P. (2017). We do not need a third mechanistic descriptor for chronic pain states! Not yet. Pain, 158(1), 179-179.